
En règle générale, quand on énumère les catastrophes naturelles qui menacent les côtes françaises métropolitaines, on évoque très rarement le risque de tsunamis. Ces catastrophes, qui affectent essentiellement l’aire Pacifique/Océan indien, semblent incompatibles avec un environnement Atlantique très stable au point de vue de la tectonique.
Pourtant, le 9 janvier 1924, s’est abattu sur les côtes françaises, et en particulier charentaises un phénomène que les journaux de l’époque ont qualifié de « raz-de-marée », faute d’en connaître précisément la nature, sans heureusement provoquer de dégâts irréparables et à une saison qui excluait la présence de baigneurs sur les plages du littoral atlantique.
Les circonstances exactes de l’événement mériteraient une recherche approfondie, en particulier pour le mettre en relation avec le coefficient de marée, qui pourrait en relativiser la puissance. Totalement imprévisible, ce raz-de-marée n’a pas été photographié, ce qui aurait pu nous renseigner sur son ampleur. Les photographies prises au lendemain de sa survenue nous donnent toutefois quelques renseignements utiles. Le secteur côtier de Royan, en Charente-maritime, est assez bien documenté à cet égard.

Il ne semble pas qu’il ait s’agit d’une vague unique dévastatrice. Les bateaux de pêche et le vapeur de la ligne Royan – Le Verdon n’ont pas chaviré, mais ont été déposé sur la plage du centre-ville, preuve d’une hausse homogène et prolongée du niveau de l’eau. Si on en juge par l’ensablement de la coque du vapeur, le sable de la plage a été fortement remué au point que la quille du bateau s’y est enfoncé, signe que la mer en mouvement, arrêtée par le parapet protégeant le boulevard littoral, a stagné un moment avant de retrouver son étiage ordinaire.
Autre indice qui révèle plus un profil tsunami que vague unique au phénomène, les stigmates d’une très forte poussée des eaux contre la côte : érosion de la dune littorale à la pointe du Verdon, désintégration de murailles constituées de blocs scellés de plusieurs centaines de kilos, eux même déplacés sur plusieurs mètres, sape du trait côtier. On note aussi la disparition de l’hélice du vapeur.

L’eau a du, une fois l’événement passé, se retirer assez vite car on ne voit presque pas de débris marins sur les plages, comme en laissent les tempêtes .
Il semble donc que l’embouchure de la Gironde ait été victime d’un incident géologique très rare, apparenté à un tsunami atténué, ayant frappé les côtes européennes au moins de la Manche jusqu’à Gibraltar, et une partie du littoral marocain – plus au sud, les informations sont difficiles à réunir – que les médias de l’époque, ignorant le terme d’origine japonaise, ont qualifié de raz-de-marée. L’événement originel, sans doute un séisme sous-marin dans la dorsale atlantique, n’a heureusement pas été assez fort pour déplacer une masse liquide susceptible de provoquer de gros dégâts.

Il n’existe, aujourd’hui, à ma connaissance, aucun système préventif capable d’alerter les populations du littoral atlantique si un tel phénomène, qui n’est pas du domaine de la fiction, mais de l’histoire récente, venait à se reproduire.

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