
A quelques pas du port du Verdon, à l'extrémité septentrionale du Médoc se trouvent les discrets vestiges d'un formidable monument érigé par la France à la fin de la première Guerre mondiale pour célébrer l'alliance franco-américaine. Fait de béton et haut de plusieurs dizaines de mètres, ce mémorial était certes moins visible dans le paysage que les grands phares de l'estuaire de la Gironde et de la côte charentaise, mais dominait largement tout le bâti local.

Cette construction massive d'une architecture atypique n'eut qu'une durée d'existence relativement brève. Bien visible de la mer, où elle pouvait faire office d'amer pour les navires abordant l'estuaire, elle eut surtout le malheur de déplaire à l'occupant allemand qui entendait fortifier solidement cette partie de la côte.

Symbole honni par les nazis, repère possible pour des forces de débarquement et des canons de marine, le mémorial du Verdon était incompatible avec le projet de mur de l'Atlantique. Les troupes allemandes s'employèrent en 1942 à le faire sauter à l'explosif avant de fortifier une partie de la pointe de Grave. Des films d'actualité de l'époque montrent le feldmarschall Erwin Rommel inspectant les casemates abritant l'artillerie côtière toutes proches du monument, détruit au moment de la visite du général allemand.
Tout vestige de l'immense stèle n'a toutefois pas complètement disparu. A son emplacement s'élève un monument beaucoup plus sobre, ce qui, il faut bien le reconnaître, est plutôt une bonne chose pour ce paysage de dunes littorales déjà assez encombré de vieux blockhaus couverts de graffitis aux peintures criardes. Assez curieusement, ce lieu de mémoire conserve un lourd médaillon de bronze primitivement disposé sur le bâtiment d'origine, que les Allemands, pourtant assez portés sur la récupération des métaux non ferreux dans la France occupée, n'ont pas ferraillé.
Sur le mur commémorant le souvenir est gravée une formule sans doute sincère, mais surtout incantatoire, témoin d'une période encore marquée par l'émotion de la reconquête les armes à la main de cette région ruinée par les explosifs de l'occupant et les bombardement des Alliés:
"Il sera réédifié par le peuple français,
they have destroyed it,
we shall restore it"
promesse sans doute sincère, mais restée à l'état de pieux projet.
© O. Trotignon 2020