Voici probablement un des plus curieux dispositifs qui ait été porté par les eaux du Cher depuis les débuts de la batellerie sur cette rivière. Amarré sur la rive gauche du cours d’eau, le lavoir flottant montluçonnais ressemblait plus à un bâtiment qu’à un navire, en dépit de la polysémie du mot « bâtiment ».
Par rapport à la majorité des lavoirs aménagés ou de fortune qu’on rencontrait partout sur les ruisseaux et rivières, le bateau-lavoir figuré sur la carte postale présentait plusieurs avantages. L’eau qui servait à tremper le linge était plus profonde que sur la berge et donc (un peu) plus propre. Le tuyau de poêle visible sur le toit indique qu’il devait être possible d’y faire bouillir le linge. On note aussi l’étage occupé en grande partie par des étendoirs à l’abri de la pluie. Un détail intéressant : le plancher du pont est légèrement en dessous de la ligne de flottaison, ce qui indique que les personnes venant laver leurs affaires avaient moins à se pencher pour toucher l’eau, et travaillaient de manière moins pénible que les femmes agenouillées en position de déséquilibre sur la plage sableuse du Cher.
Outre la passerelle, on relève la présence de deux longs madriers trempant dans l’eau à tribord et à la poupe de l’embarcation (les marins me pardonneront l’usage de termes propres à leur univers). Aux extrémités, des barres à mine sont plantées dans le plancher de la rivière. Il s’agit tout simplement d’un système d’ancrage rudimentaire pour maintenir la bonne distance entre la passerelle et la rive.
Qui pouvait avoir l’usage de ce bateau, dont l’accès était nécessairement tarifé ? Le linge, étendu et qui flotte au vent, fait penser à des draps ou à des nappes, peut-être d’un des nombreux hôtels que comptaient naguère Montluçon et ses alentours.
© Olivier Trotignon-2019