A bien y regarder, certaines cartes d’apparence très banale peuvent révéler des détails insolites, comme dans le cas de cette vue de l’église romane de Soulac, à la pointe du Médoc. Son aspect général à l’époque de la photographie évoque un monument en partie isolé dans la forêt de pins, tout au moins beaucoup moins inséré qu’aujourd’hui dans le tissu urbain de la petite cité balnéaire.
Je n’avais par contre pas du tout fait attention à cette série de canons alignés à gauche du bâtiments, trois au premier plan et certainement un quatrième un peu en retrait, si on en juge le diamètre de la roue visible en retrait.
La taille des obusiers, la forme particulière du pare-éclats rappellent beaucoup ces canons allemands de 77 qu’on trouve parfois devant les monuments au morts dans certaines communes de France. La carte n’est pas datée, mais la présence d’un monument aux morts très clair montre qu’elle a été prise dans les années 20, peu après la construction de celui-ci.
Comment expliquer la présence de pièces d’artillerie si loin du front? Deux hypothèses sont permises.
Ces canons peuvent être un dépôt provisoire de l’état, qui en a confié, ainsi que des lance-torpilles français et allemands, à des communes ayant perdu beaucoup d’hommes pendant la Grande guerre. Comme il existait une gare à Soulac, la ville peut avoir accueilli quelques pièces avant leur ventilation dans les villages concernés.
La seconde hypothèse nous conduit vers l’embouchure de la Gironde, toute proche. Une batterie de canons de campagne a pu être mise en place sur l’estuaire, pour protéger l’accès à Bordeaux d’une possible mais improbable incursion d’un bâtiment ennemi, vu l’état des forces navales des Empires centraux.
Une chose est certaine: aucun canon n’est présenté de nos jours ni près du monument, ni dans une autre partie de la ville.
Profitons d’être aux abords de la basilique de Soulac pour regarder de près son carillon, que n’abritait aucun clocher. On distingue bien les commandes manuelles qui permettaient de faire tinter les cloches. Du toit de l’église, la vue sur les nouveaux quartiers construits de petites maisons pour estivants qui rappellent que cette ville, sans avoir eu l’importance de ses rivales de Royan ou d’Arcachon, a eu et a encore sa place dans la géographie des loisirs de ce secteur de la côte atlantique.